Rencontre avec Emilie Arfeuil, photographe membre du studio Hans Lucas, autour de sa série « Un passé sous silence »
« Le 17 Avril 2015 marquera les 40 ans de la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges suivie de plus de 3 ans de violence. Le Cambodge porte toujours en lui les traces de ce génocide et se reconstruit sur le non-dit d’une génération traumatisée. Un pays de silence.
C’est ma ressemblance avec sa soeur disparue qui déclencha ma rencontre avec Tut, puis la curiosité réciproque, et le retour de la mémoire. A partir de ce lien ténu s’est tissée une relation de confiance, construite sur plus de 3 ans, pendant lesquels il m’a raconté les tortures subies lorsqu’il était encore adolescent, et jusqu’à présent enfouies en lui.
Parce que nous ne parlons pas la même langue, notre communication s’est développée dans le silence, à travers le langage du corps. Les mimes se sont mêlés au quotidien, la violence passée pouvant resurgir au travers de chaque objet. Une fleur coupée, une amputation ; un fruit ensaché, l’étouffement. Tut est allé jusqu’à se remettre en scène, créer des reconstitutions pour témoigner de ce qu’il a vécu.
Dans une forme de rituel quotidien (à travers la technique du « light painting »), j’ai photographié en analogie un adolescent du même âge que Tut à l’époque, au corps encore lisse et vierge de toute violence, face à celui de Tut, marqué par la torture et le temps.
Cette série partage une rencontre intime et dresse un portrait sensoriel de la mémoire enfouie, la manière dont elle transparaît dans les gestes, les attitudes et les regards, dont elle peut définir une personne et la marquer à vie.
Ce portfolio fait partie du projet transmedia Scars of Cambodia, co-écrit avec le réalisateur Alexandre Liebert, qui se présente également sous la forme d’un documentaire de création muet de 30 minutes et d’un diaporama sonore. »
Plus d’informations sur le site internet de la photographe
Samedi 10 janvier 2015, de 10h à 12h
Galerie Esther Woerdehoff
36 rue Falguière, 75015 Paris