Valoriser la création photographique et réfléchir à ses pratiques.

Disparition de Bogdan Konopka

Bogdan Konopka © M Mikolajczyk

Bogdan Konopka nous a quittés brutalement dimanche dernier, le 19 mai 2019. Il n’avait que 65 ans. Françoise Paviot , qui le représente depuis de nombreuses années vient de présenter ses iphotographies réalisées à la chambre 20×25 sur l’intérieur d’une maison de décorateur à Arbonne. Son dernier travail, Conte polonais, a été exposé cet hiver à la galerie Folia ainsi qu’un ouvrage éponyme paru aux éditions Delpire. Une exposition personnelle rassemblant une sélection de ses photographies prises depuis une quarantaine d’années, vient de s’ouvrir au Parc du Prieuré  à Beaucouzé dans le Maine et Loire.

Laissons Françoise Paviot, sa galeriste, rendre hommage à cet immense photographe :

« Les  nombreux ouvrages consacrés au travail de Bogdan Konopka comportent tous des  préfaces aux signatures prestigieuses. Mais Bogdan avait lui aussi  le talent d’écrire et savait faire des images avec les mots. Je ne peux que vous inviter à lire ou à relire son  texte figurant  dans dernier catalogue  «  Un conte polonais », le travail d’écriture y est remarquable. Ceci pour dire que mes quelques mots seront bien modestes à côté des siens. 

Etre photographe a été pour Bogdan un engagement quotidien auquel il a consacré la quasi-totalité de son temps. Il sortait peu pour pouvoir faire ses tirages qui étaient aussi  indissociables de ses prises de vue que le recto et le verso d’une feuille de papier. Mais pour ce parfait technicien,  l’outil n’était rien sans cette alchimie entre un savoir faire et une pensée. « Cet outil avec lequel j’essaye de penser le monde » écrivait-il. Le sténopé en bois vernis, posé sur son bureau non loin de lui , ce si irréel  dimanche matin,  est maintenant sans maitre et sans vie. La chambre 20×25, les agrandisseurs,  reposent dans le laboratoire devenu silencieux. 

Mais les images de Bogdan  ne sont ni tristes ni mélancoliques. Il ne faut pas s’attendre  à y voir du spectaculaire, des démolitions intempestives ou des accidents ravageurs. Bogdan a toujours su très bien  se contenter de l’ordinaire, tout en étant parfaitement capable de réaliser haut la main  des commandes remarquables  sur l’opéra de Pékin par exemple ou  la nouvelle école polytechnique de Lausanne. Sans jugement de valeur, sans  condamnation ou dénonciation,  sans affect inutile non plus,  il  a toujours eu le talent de prendre en charge le quotidien de notre vie en nous laissant  le soin  de faire apparaitre le narratif. 

Bogdan est passé de l’autre côté beaucoup trop tôt,  beaucoup trop vite. Il va nous manquer terriblement et cette épreuve, après bien d’autres,  est particulièrement  injuste et brutale. Mais en  nous épargnant dans ses images la douloureuse expérience du temps qui passe,  si souvent associée à la photographie, Bogdan nous invite à faire la paix sur le sujet.

Il était présent dans notre première exposition à la galerie,  il y a presque 25 ans et je ne peux que le remercier de sa  fidélité. Merci à Jacqueline qui l’a toujours accompagné avec intelligence et attention et qui a eu le courage d’aller vendredi dernier assister au vernissage d’une de ses dernières expositions près d’Angers, une autre est actuellement  en cours à Hong Kong et à la rentrée nous vous inviterons au musée de Beauvais. 

Apaisantes et apaisées, ses photographies m’ont toujours  plongée dans un état de grâce subtile dont je ne me suis jamais lassée. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre, c’est de prendre à notre tour  un peu de notre temps pour les regarder  et de  lui rendre ainsi celui qu’il a pris pour nous les offrir. « 

Françoise Paviot