Présentation de son travail par Vasantha Yogananthan
Mon projet a pour intention de refléter l’imaginaire dégagé par le mythe du Ramayana et sa prégnance dans la vie quotidienne en Inde. Le Ramayana, écrit en sanskrit il y a plus de deux mille ans par le poète Valmiki, est un chef d’oeuvre de l’histoire de la littérature. La relecture du Ramayana ne s’épuise jamais. En 1988 une adaptation télévisée du mythe devient la série la plus populaire de l’histoire de la télévision en Inde. Depuis les années 2000, des femmes écrivains s’emparent du Ramayana, proposant un renversement de l’épopée du point de vue de son héroïne, Sita.
Je débute mon projet en 2013 après une année de recherche. J’ai pu retracer l’itinéraire de Rama et Sita car les lieux qu’ils traversent dans le Ramayana ont conservé les mêmes noms et ont fait l’object d’abondantes recherches. En parallèle de mes prises de vue – je documente le paysage et la vie quotidienne – j’enregistre du son, réalise des vidéos et collecte des documents et images vernaculaires liés au mythe. En 2014, je réalise deux voyages d’un mois en Uttar Pradesh et au Bihar, grâce à des bourses du Centre National des Arts Plastiques (CNAP) et de la Société Civile des Auteurs Multimédias (SCAM). En 2015, je réalise un quatrième voyage dans l’état du Maharashtra via une bourse de l’agence Magnum Photos. Durant ce voyage me vient l’idée de mettre en scène des passages clés du Ramayana avec les habitants. Je réalise cette série d’images à la chambre photographique grand-format, un procédé qui renforce le « passage du temps » dans les images, à la fois pour les acteurs et le photographe.
Mes photographies sont des allégories du Ramayana : elles se situent comme le mythe pour les Indiens entre fiction et réalité. Je réalise mes mises en scène en noir et blanc, puis je fais coloriser mes tirages à l’aquarelle par un peintre indien. La photographie a été introduite en Inde par les colons britanniques au XIXème siècle. Il n’existait pas de « style indien » – les photographes reproduisaient un art du portrait domestique dans un style formel enseigné par les orientalistes. Mais rapidement, des artistes ont l’idée d’utiliser l’art de la peinture miniature indienne, développé au Rajasthan depuis le Xème siècle, sur des photographies. Dans son ouvrage Embellished Reality : Indian Painted Photograph, Deepali Dewan explique que « ces artistes se sont appropriés la photographie repeinte comme un moyen d’explorer le passé, et pour repousser les frontières entre médiums dans le présent ».
Dans mon travail – comme dans l’histoire de la photographie repeinte – l’embellissement diffère selon les photographies : sur certaines des éléments sont ajoutés, sur d’autres des parties en noir et blanc sont conservées. Dans mon projet je mélange ces photographies avec des images « classiques » couleur et noir et blanc. Cette multiplicité d’esthétiques ayant pour effet de brouiller les certitudes du spectateur sur la supposée date de prise de vue des photographies et de l’époque qu’elles reflètent.
Samedi 13 juin à 11 heures
Galerie Esther Woerdehoff
36, rue Falguière
75015 Paris